Les migrations et le musette
Les migrations et le musette
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Le musette, musique apparue à Paris à la fin du XIXème siècle, est une musique métissée. En ceci, il est intéressant d’étudier les flux migratoires en France et en Europe pour mieux comprendre l’apparition d’un style nouveau.

La Révolution Industrielle

Le facteur qui a joué un rôle déterminant à cette époque en matière de migrations, c’est l’industrialisation du pays. Suivant l’exemple de la Grande Bretagne, la France passe d’une société agraire et artisanale à une société commerciale et industrielle dès le début du XIXème siècle. Le travail se trouve désormais dans les villes.

Les besoins en main d’œuvre attirent des travailleurs des campagnes et régions voisines.

L’Auvergnat

Il y a plusieurs causes à l’émigration auvergnate :

De tous temps, les Auvergnats émigrèrent. Mais autrefois, avec à l’esprit un retour prochain : le printemps et l’été étaient dédiés aux cultures et aux récoltes; à l’automne et l’hiver, le travailleur partait chercher de l’ouvrage dans des villes comme Bordeaux, Marseille, Lyon ou Paris.

Ce qui changea, avec le XIXème siècle, c’est que d’une part les distances étaient plus faciles à parcourir, encourageant l’expatriation ; et d’autre part, l’industrialisation du pays, qui entrainait une demande permanente de main d’œuvre.

Hélas, bien que riche en charbon et en main d’œuvre, l’Auvergne reste une région agricole non industrialisée. Cela est en partie dû à sa géographie, peu adaptée à une circulation des marchandises. Il en résultera un exode rural massif.

Parcours typique

Dès son arrivée à Paris, l’émigrant auvergnat est conduit chez un compatriote.

Aussitôt, il doit se mettre au travail. Porteur d’eau, livreur de charbon, le plus souvent le labeur est dur mais il y est habitué en qualité de montagnard.

Ils se retrouvent entre eux, parlant le même patois, mangeant les même mets (pommes de terre au fromage, gâteau de lard, soupe aux choux), dansant au son de la musette, celle-là même qui résonnait au village.

Le Paris des ferrailleurs et des charbonniers apparaît ainsi comme le village natal aux allures de fête !

Chaque village a sa spécialité ; et c’est ce que l’on retrouvera au sein de la capitale : comme le quartiers des ferrailleurs, situé entre rue de Charonne et rue de la Roquette.

Leur but : ouvrir une petite boutique et devenir patron.

Largement représentés à Paris, ont leur propre journal depuis 1882, le Journal des Auvergnats, qui a été très actif pour la défense de leur cabrette à l’arrivée de l’accordéon à Paris. La Ligue Auvergnate est fondée en 1886, syndicat dédié à la défense des intérêts des Auvergnats de Paris.

En guise de réjouissances aussi, l’Auvergnat a de quoi se sentir comme au pays : derrière chaque boutique, débit de boisson, vendeur de charbon, se trouve une salle de bal : murs nus, quelques tables et bougies, le cabrettaïre juché dans une logette suspendue. On se retrouve en famille, entre amis pour s’adonner à la danse, rare distraction après une semaine de dur labeur.

L’Italien

En même temps, d’autres migrants, venus des pays voisins comme l’Italie, l’Espagne, la Pologne ou l’Allemagne, viendront fuir la misère économique et politique de leur pays d’origine.

Dès le milieu du XIXème siècle, l’Italie, présente un beau potentiel de main d’oeuvre pour ses pays voisins: faiblement industrialisée, elle connaît un accroissement de sa population que son économie déclinante ne parvient pas à absorber. A ceci s’ajoutent de graves troubles politiques; ils instaurent, dès 1870, misère et anarchie. En parallèle, les révolutions qui agitent l’Europe, opposant Libéraux et Démocrates aux monarchies, font de la France une terre de libertés, accentuant les déplacements de populations vers celle-ci.

En France l’exode rural entraîne un déficit de main d’œuvre dans les campagnes. Travaillant durement pour un salaire moindre, ce sont les migrants italiens qui vont se retrouver affectés aux travaux agricoles, ou alors dans les mines du Nord de la France. Ils sont le plus souvent accueillis par des gens de leur communauté regroupés dans des quartiers ayant chacun sa spécialité. A Paris, ils se regroupent autour de la Gare de Lyon et occupent les postes de blanchisseuses et de maçons.

Moins organisés que les Auvergnats, les Italiens deviendront petit à petit une cible dans les moments de conjoncture difficile. Mais en cette fin de XIXème siècle, de beaux jours arrivent, qui annoncent un temps propice aux échanges.

Le musette, miroir de la société

En 1900, alors que les Italiens deviennent le groupe national le plus important, les tensions montent pour qui animera le bal : cabrettaïre ou accordéoniste ? Mais avec la Belle Epoque, c’est une période de stabilité liée au plein emploi qui prend place. Les occasions de sortir se multiplient et les petits commerces d’immigrés fleurissent dans la capitale. Les airs traditionnels perdurent mais d’autres apparaissent. On comprend mieux ainsi comment un Bouscatel a pu rencontrer un Péguri.

Le style musette est ainsi intimement lié aux migrations qui ont traversé la France en ce XIXème siècle : provinciales et étrangères ces mouvements migratoires ont été à la base d’un style typiquement parisien !

 

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